Quand on s' (é)Gare...

Publié le par Alex Taurel

316979344 846e7c5329Le ciel est sombre de par l'heure tardive de l'après-midi de mars dans laquelle je ballade mon être. Le vent souffle fort. Des klaxons retentissent, des bruits de moteurs par milliers se bousculent à mes oreilles et un autre bruit s'agrippe à elles...un bruit qui va sûrement me devenir familier. Il est 18h, je me dirige vers l'entrée de la gare d'une grande ville du sud. Ce bruit provient des roulettes des valises qui embrasent le bitume brut des trottoirs. Il vient de partout. Tous les gens qui rentrent en gare ou en sortent en sont accompagnés. Je m'approche de l'inconnu, de la cohue...

Les longs voyages en train ne sont pas mes compagnons de toujours. A dire vrai, cela sera ma première fois, alors je rentre et ouvre bien grands mes yeux. La lumière est tout ce qu'il y a de plus efficace pour ne pas mettre en valeur des visages. Je lève la tête vers les panneaux lumineux indiquant apparemment les différentes destinations des trains et leurs quais...je "check" le mien qui n'arrivera que dans une quinzaine de minute, puis rabaisse ma tête vers...vers ce spectacle !

Une véritable pièce de théâtre se déroule sous mes yeux. Les personnages connaissent leurs rôles sur le bout des doigts. C'est un bordel ici !!! pourtant, j'ai l'impression que tous savent quoi faire, quoi dire, où aller...

Je regarde tout ça d'un oeil curieux et amusé. Ici, un vigile qui fait les cent pas, le visage très fermés (je pense à l'état de ses pieds), un autre beaucoup plus détendu qui fait presque office de "bureau des renseignements bis". Des gens statiques attendent sans bagages, d'autres sont comme moi, mais sûrement plus habitués à ces scènes. Là, une vague de gens qui arrivent dans le hall, en provenance des quais, d'un pas décidé, d'autres vont en direction des quais. Je me répète, tous semblent réciter une partition. C'est un ballet emballant à mes yeux. Un léger rictus apparaît en coin de ma bouche, je souris presque. Devant moi passe un homme. Mocassin, pantalon en velours, pull vert beurk, masse capillaireamoindrie, et lunettes par-dessus pour compenser ce manque, la cinquantaine. Il semble anxieux, stressé, renfermé. Il se ronge les ongles et, un détail amusant m'apparaît. Amusant parce que ça ne colle pas avec l'allure du personnage : Il a en main un portable rose. Qui est-ce que ça peut bien être ? Qu'attend t-il ? Est-il anxieux de nature ou est-ce ce/ceux/celles qu'il(s)/elle(s) attends qui le rend ainsi ? Pourquoi possède-t-il un portable rose ? Je ne peux m'empêcher de me demander qui sont les gens qui m'entourent. Je leur invente des noms, des vies, des histoires...

Un groupe de copine d'une vingtaine d'année accueillent par des "Whoooouuu", une des leurs, sûrement revenue d'un séjour romantique vu l'empressement qu'elles ont à lui poser des questions. Mon train arrive bientôt. Je vais me diriger vers la quai. Mais au fait, "Pourquoi est-ce qu'il prend le train ?" vous demandez-vous ?

Oui, je vais rejoindre quelqu'un pour un séjour, Oui, c'est à un milier de kilomètres. Oui, je suis pressé, stressé, anxieux et j'ai un portable en main... J'y reviendrai parce que...une nouvelle vague d'arrivants arrivent dans le hall...

Certains sont à vélo...cela m'intrigue...()...

Soudain, une effusion de soupir jouissif, des râles de bonheur partagé m'arrivent aux oreilles. Je n'entend même plus les roulettes des bagages, ou le "pampampalam" à répétition de la SNCF !!! Mes yeux atteignent la cible...l'homme au portable rose, a été envahit de soleil. Une femme, de son âge apparemment, l'enlace avec émotion. Son visage, il y a peu terne et gris, s'est habillé de couleurs rassurantes. Ils se sourient, ils s'embrassent, ils sont amoureux. Finalement, c'est une scène très "Gare-éenne", mais ils me touchent. Je les envies presque.Ils me donnent envie d'avoir leur âge et de laisser toujours autant transpirer la passion de leur amour...

Oui, moi aussi je suis amoureux. Oui, moi aussi en montant dans mon train je suis promis à  cette montée d'adrénaline, car oui moi aussi je vais retrouver celle que j'aime.

Je m'appelle Enzo Parisse, j'ai 26ans, j'habite le Sud depuis. Je suis éducateur sportif. Je suis surtout toujours en train de "m'éGarer dans ma tête

Je vis une relation à distance. "Utopie" s'écrient certains. "Pas le choix" leur répondrais-je s'ils étaient là. On ne réfléchis pas à une rencontre parfaite. Quand on rencontre on ne spécule pas. Peu importe comment, dans quel lieu, circonstances, conditions, périodes, se fait la rencontre, puisqu'elle a lieu. On ne choisit pas. Ça tombe. J'allais presque écrire comme une guillotine, mais le terne n'est pas adjectif à l'amour. On vit la chose sans se soucier du sens dans lequel on va, sans se préoccuper de la "logistique" des sentiments, de savoir si son lieu de vie est à des encablures du notre.

Alors lorsque cette rencontre se fait avec quelqu'un de quotidiennement géographiquement loin, mais que l'on sent corporellement et spirituellement proche, et bien...je dirais ; " All in !!! "

On embarque dans ce truc un peu dingue de la relation à distance. Quand je dis dingue, je mesure mes mots. Il est évident que cela ne peut survivre qu'avec la sincérité sentimentale des intéressés et la confiance mutuelle.

Et que chacun doit apprendre à conjuguer à toutes les sauces le mot Patience

(conjuguer un mot ?????!!!).

Car il y a une chose qui est bien évidente. D'accord le sentiment amoureux est bon...mais surtout quand il est partagé physiquement. C'est à dire quand les sens de l'être humain sont utilisés. Sinon...sinon...

Sinon, Frustration et Procuration deviennent vite tes compagnons quotidiens. Le téléphone est ton seul vrai contact avec l'être désiré. Tu n'a que sa voix sortant de cet appareil qui te procure une once de bonheur. Plus le temps est long entre vos visites, plus l'attente devient insupportable. Tu t'y habitue certes, mais tu ne supportes toujours pas. En fait tu t'habitues à l'insupportable. L'insupportable de ne pas partager de quotidien...

Mon train arrive. Durant les 4h de trajet j'ai bien eu le temps de faire grimper Frustration très haut. Je vais ré-écrire l'histoire de l'homme au portable rose. Je vais aussi découvrir une nouvelle gare, des nouveaux personnages, une nouvelle pièce, un nouveau ballet. Je descend sur le quai, valise en main et sur roulettes, je m'allume une cigarette avant même de démarrer ma marche en avant. D'ailleurs tous les fumeurs qui descendent du train font ça. Je fais comme si...

Comme si j'étais un habitué, un personnage récurrent de la pièce. Le pas décidé, valise en main gauche, clope en main droite, le regard droit et direct vers une arrivée dont je ne sais même pas où elle se trouve. Je fais comme si...

et je ne sais même pas pourquoi je fais comme ça...

J'observe tellement les gens autour de moi, qu'inconsciemment, je pense qu'ils reproduisent les mêmes genres d'analyses loufoques à mon égard...comme lorsque mon esprit s'éGare dans une Gare. Alors je ne veux pas apparaître différent.

C'est en tout cas la pensée qui me vient à l'esprit, tandis que longeant le quai, je tire sur ma clope, jouant un rôle qui n'est pas le mien, ne profitant même pas des choses qui s'offrent à mes yeux... Ahhhhh quand on s'(é)Gare...

Soudain, l'esprit de l'homme au portable rose me rattrape, me baffe, et me tourne la tête en direction de la seule chose qui brille dans cette immensité froide et sombre. Celle que j'aime. Ce pourquoi je suis ici, celle qui me fait dodeliner de la tête et chantonner avec Vanessa Paradis lorsque celle ci chante "L'un sans l'autre, c'est un incendie, un incident bien sentie..."

"Tiens ?! un grand huit s'est construit dans mon coeur ? " pensais-je à l'instant où mes yeux l'aperçoivent. Elle a des talons, des collants, une robe noire courte, un manteau rouge, ses cheveux blond sont détaché et paysagent ses épaules... Elle est à une centaine de mètres, et je la vois me sourire. Son visage s'illumine et je la vois courrir (en talon) vers moi. A mon tour, mon visage in-sentimental, terne, gris, stressé, anxieux s'habille de couleurs rassurantes.

C'est exactement pour ces moments là que la relation à distance n'est pas une utopie.  Elle est dure, elle martyrise, elle frustre, elle tord l'estomac, elle te rend tel un junkee en période de sevrage...elle est presque inaccessible.

Mais putain de bordel de Dieu, qu'est ce que ces moment sont fort et jouissif !!! Et c'est dans une relation à distance que l'on peut revivre souvent ces moments là. Parce que ces sensations qui te brisent, font ressortir l'nverse lorsqu'ils s'évaporent. Je ne suis pas en train de faire l'apologie de la relation à distance, loin s'en faut. Au contraire, je pense qu'elle est délicate sur la durée, mais qu'elle forge, qu'elle cimente, qu'elle charpente, si les passages difficiles sont franchies, mains dans la mains par procuration...

Je l'enlace, je lui sourie, je l'embrasse...on s'éGare en hall de Gare. D'ailleurs lorsqu'on est amoureux on s'éGare tout le temps. Encore plus quand il y a la distance. Tout ce qu'on trouvait risible, mielleux, ridicule nous apparaît comme tendre, bon, cool, exaltant, normal... Ce qu'on décrivait comme des clichés, on en fait des clichés photographiques assumés, la pudeur se transforme en chaleur...

Je relève la tête, après m' être éGaré dans le creux de son cou, et je croise le sourire d'un voyageur plus jeune que nous, attendant son train en hall de Gare. Il sourit, comme attendrie par nos effusions de soupirs jouissifs, par nos râles de bonheur partagé... Est- ce qu'il s'(é)Gare dans des pensés, en voyant les personnages de la pièce qui se joue devant lui ?

Dommage que je n'ai pas de portable rose...

 

 

 

 

Publié dans Roman d'un jour

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K
<br /> alala t vrmnt bn.....doué koi mdr<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Bon article, merci pour ce partage, et je suis d'accord ! Euh voilà tout est dit, oui votre travail est très bon, j'ajoute votre site à mes favoris ! Désolé pour les éventuelles fautes, n'étant en<br /> effet pas francophone, j'ai utilisé un traducteur en ligne.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> hâte de te lire à nouveau ça commence à me manquer ces petits voyages que je fais à chacun de tes nouveaux écrits...<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> j'ai découvert ce blog et je ne me lasse pas d'y retourner.<br /> <br /> <br /> c'est un plaisir de te lire...les chutes sont toujours majestueuses! <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> merci c'est tres flatteur....<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> prenant, doux et dur à la fois qd un celibataire lit ça...<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> est ce une mauvaise chose ?<br /> <br /> <br /> <br />