Subir (ou plutôt recevoir) une greffe de cornée
Le kératocône est une maladie dégénérative de l'oeil qui se traduit par une perte de la sphéricité de la cornée qui prend alors la forme d'un cône
Le kératocône peut causer des distorsions de la vision, conduisant à des images multiples, des stries et une hyper-sensibilité à la lumière. Cette maladie affecte moins d'une personne sur deux mille (reconnue comme étant une maladie rare)
Le kératocône est une maladie peu connue et dont les causes sont incertaines. Sa progression après le diagnostic reste imprévisible. Si elle touche les deux yeux, la détérioration de la vision peut affecter la capacité du patient à conduire une voiture ou à lire normalement. Dans la plupart des cas, les verres correcteurs sont assez efficaces pour permettre au patient de continuer à conduire légalement et à retrouver une activité normale. Une progression plus importante de la maladie peut mener à une intervention chirurgicale comprenant notamment les greffes cornéennes.
Voilà en gros pour l'analyse médicale de ce que j'ai appris en ce mois de décembre 2005...
Les lentilles adéquate n'étant pas supportée par mes yeux, et après plusieurs mois de tergiversations (bon ok ! années...), j'ai rendez vous, en décembre 2008, par mon ophtalmo, à la clinique de l'oeil "Monticelli" à Marseille, pour me renseigner sur une greffe (ou deux....aïe aïe aïe !)
Examens, tests, attentes, consultations, attentes, attentes...("Oh mais c'est l'usine ici !")...bref après avoir passé près de 5h dans ce lieu, je pénètre dans le bureau du Professeur Baïkoff (LE meilleur m'a-t-on vanté)
Et là...BAM !
"Faut opérer mon grand, on a des cornées pour toi...voila, je te laisse quelques semaines de réflexions et tu me rappelles..."
"NON ! c'est bon, je suis d'accord...on y va...quand vous voulez...au plus vite ca sera fait, au plus vite ça sera fini..."
"Ok, alors euh....22 janvier !"
"P*****, M****....je suis impulsif, je l'ai pas vu venir aussi vite celui là !!!"
Dans le trajet du retour, mes premières angoisses...("oh...pfff le foot c'est fini pour la saison...")
Et en fait y'a pas à dire...mais, un mois et demi ca file sec...
Tu ne veux pas y penser trop tôt, mais le compte à rebours défile à une vitesse ahurissante...
Et les peurs aussi...
C'est à dire qu'il n'est pas très malin, pour un futur greffé, de lire les indications pré-opératoires, expliquant "que pour une greffe, le risque zéro n'existe pas, il n'y a pas beaucoup d'échec, mais on ne peut savoir avant à qui cela va arriver..."
Oooooooooohhhh mais c'est de mon oeil qu'on parle !!!!!
En gros, si ça rate, je suis borgne à vie....Sympa comme spéculation....
Les 15 derniers jours sont horribles nerveusement...
Tout ton entourage t'en parles, se renseignes...
Les nuits sont de plus en plus houleuses...Tu ne penses qu'à ça...
Et moi, je ne peux m'empêcher de cauchemarder...
(Pendant l'opération, je me réveille, pendant qu'on m'enlève ma cornée...ce qui est très agréable comme sensation...)
Je ne sais pas pourquoi...j'ai les nerfs à fleur de peau...
Une opération ne me fait pas plus peur que cela...
Mais, c'est les yeux...ça paraît tellement fragile, précieux, petit...
"comment peut-on....euh....découper une cornée et m'en recoudre une neuve...enfin celle d'un donneur..????!!!"
La lente angoisse pesante monte en moi, d'ailleurs elle ne monte plus...elle me moleste...elle est là...en moi...mon coeur bat vite continuellement.
Et puis les derniers jours...
Tu reçois des tonnes de témoignages de soutien...
Aussi réconfortement et émouvant les uns que les autres...
"P***** !!!, j'arrête pas de chialer !!! dès que je reçois un témoignage..."
En même temps, vu ma fatigue nerveuse et ma propention à l'angoisse, quoi de plus logique ?
Mais il n'y a pas que ça...
Et c'est là, un des paradoxe de ma personnalité...
Je passe mon temps à chercher à être "aimé", apprécié, à fuir l'inimité, à plaire aux gens...et quand je reçois du soutien, de l'affection...j'ai l'impression de pas le mérité...
Donc dans un cas de fatigue psychologique qu'est cette veille d'opération...Ca coule fort !!!
Bref, j'arrive le jour de l'opération à 10h pour une sentence prévu pour 14h.
Je suis exténué, épuisé, je me sens vide...seul face à mes doutes
Pour imager, c'est comme si le jour où j'ai dit "banco" au professeur, je sautais dans le vide...et aujourd'hui, je suis à 15m du sol, du choc...
Mais les infirmières vont m'aider, au delà de mes espérances (Non !!! pas grâce à leur physique...)
"Tenez Monsieur, Lexomil, ca vous fera du bien, vu votre état..."
D'après les vagues souvenir que j'ai, et les dires de MSF que j'ai eu au téléphone 10mn avant de descendre au bloc, voila mes propos :
"Ouaaaaaaais caaaaaa vaaaa et toi ? ouais je suis bien lààààà...chui dans le lit, allongé...il fait chaud...oh c'est le top !!! franchement C'EST-LE-TOP !!!"
Et hop ! après ça s'accélère...descente au bloc..."bonjour professeur"..."comptez jusqu'à 10"...
1...2...
18h réveil...ça y est, c'est fait...
Je ne sais pas quoi penser...Mes yeux sont fermés, j'ai un cache...la luminosité m'est insupportable...
Et la douleur !!!! Waaaaaaaahhhhhh !!!!
Bah oui, forcement, des points sur la cornée,sous la paupière ca fait mal...
Morfine....ouffff, je m'endors...
D'ailleurs, dormir deviens mon compagnon des 15 jours suivants...
Mon seul ami, hobby, passe temps.
Et ça, c'est dur...
Loin de ma colloc', pas de "gens", pas de lieu public, pas d'apéro, pas de foot, pas de clopes, pas de rigolade, pas d'ordi, pas d'écran, pas de lumière...
N'en jettez plus la coupe est pleine !
Je suis sevré de tout. Et c'est la crise de nerf (remarquons au passage, mes facilités à "craquer" nerveusement...)
Petit à petit ma convalescence prend fin...je vis avec un cache de pirate sur l'oeil (affectueusement offert par MCM...) et ressemble à Albator (d'ailleurs on me surnomme à l'époque Al'batard !)
Voila, 6mois ont passés...
La découverte de ma nouvelle vue...de ma nouvelle vie...
Se projeter dans l'espace est plus aisé pour moi...
C'est une vrai claque pour mon "cerveau"
Mais paradoxalement, c'est aujourd'hui que je me sens "handicapé".
Voire complexé...
Vivre constamment dans la peur d'un choc sur l'oeil, d'un petit rien qui enraye tout...se savoir fragile, faire attention à tout...
Savoir que j'ai un "corp" étranger en moi...à vie...
Bordel ! je suis pas quelqu'un de craintif...mais je le deviens...
En même temps, je vais pas vivre dans du coton !
C'est la vie...et si jamais...si jamais un malheur arrivé, et que ma greffe "sautait"...bah cela serait le destin !!!
Tant pis...
En attendant, JE VOIS...JE VIS
Expérience difficile...mais constructive...
A quand le deuxième oeil ?...